*** Il ferme les yeux quelque part non loin d'une route. Le pendentif autour de son cou. Son corps est emmitouflé dans une légère couverture par dessus laquelle il a posé sa cape. Les nuits deviennent fraîches. Sa respiration s'espace peu à peu. Le sommeil le prend. ***
***
Et la scène se met en branle.
Le monde se dessine. Une succession de terres toutes différentes se succédant les unes aux autres harmonieusement. Des plaines riches et vastes, des déserts brillants sous le soleil, des landes, fleuves et rivières se jetant les uns dans les autres pour dessiner des cours complexes et conduire à des terres luxuriantes. Des landes, des collines, des falaises, les montagnes, la mer. Une mer incroyable, grise et bleu renvoyant par l'or et l'argent les rayons d'un soleil qui poursuit sa course d'est en ouest. Lever, coucher et zénith sont tous trois aussi saisissant les uns que les autres. L'eau reflète le blanc, l'or puis l'orangé pour finir par sombrer dans une nuit étoilée. Les ombres se sont étendues pour couvrir un monde qui poursuit sa course. Rien n'est effrayant, tout est beau.
Survient soudain une lumière absolue qui englobe ce monde sans pour autant l'effacer. Des créatures commencent à marcher sur le monde. Dans la forêt des elfes s'éveillent, magnifiques, lestes, plein de grâce. Dans les terres riches du nord marche des hommes et des femmes, modifiant le monde à leur convenance. Au sud dans les montagnes les orcs affirment leur puissance.
La lumière migre soudain, se confondant avec l'aurore. Le monde revient à la mer. La vision coure vers les côtes, remonte le lit du fleuve, pointe vers l'est où s'installe cet éclat lumineux puissant, incontestable, absolu.
Elle est seule. Puis d'elle émane un couple. La femme est superbe, l'homme magnifique. Elle se trouve à sa gauche, il se trouve à sa droite. Ils regardent le spectateur, avenants. Toujours de face, leurs mains se rencontrent et s'élèvent au-dessus de leurs têtes, entre eux. Les bras opposés s'écartent légèrement de leurs corps, les mains extérieures se tournent paume vers le haut. Dans la main de la femme une douce lumière blanche apparaît. Dans celle de l'homme elle est noire et miroite. Entre leurs mains levées l'or apparait, une fraction de la lumière qui les a vu naître.
Les trois lumières forment un triangle parfait, équilibré. Puis de l'or viennent les armes qui habillent le couple petit à petit. Le couple se fait face désormais. La main sombre de l'homme tend vers le bas, celle blanche de la femme repose au-dessus deux. La lumière dorée se tient toujours entre leurs paumes qui reposent désormais entre leurs deux corps.
Un rayon part des émanations nacrées de la femme pour traverser l'or et frapper la noire lueur de l'homme. Ils s'écartent, entre eux une épée est apparue, tenue par la lame au point de pression des deux paumes. L'homme et la femme reprennent un instant leur position première, l'épée désormais tenue entre eux.
Un éclat, la lame est désormais fichée dans le sol. Homme et femme se saisissent de concert de l'épée. Les éclats dans leurs mains ne sont plus. Ils la lèvent.
Le monde tourne.
L'homme et la femme se tiennent dos aux rêveurs et portent l'épée vers les terres du nord désormais dans les ténèbres, là où se tient le delta du fleuve. Puis ils la lèvent au-dessus d'eux. L'épée se dédouble restant dans la main de chacun. Eux-mêmes se multiplient pour former un cercle de douze personnes. Six femmes, toutes différentes, six hommes, aucunement pareil.
Les douze rabaissent leurs épées, les tenant devant eux comme pour un salut militaire. Ils regardent ceux qui rêvent. Sur leurs visages avenants se lit la détermination. Ils s'écartent d'un pas en deux rangées, trois hommes et trois femmes dans chacune d'entre elles. Au milieu de la haie qu'ils forment, mise en perspective vers l'est, brûle l'absolue lumière aurorale.
Les douze se tournent vers le spectateur libérant la vue sur celui qui les suit. Ils donnent l'impression qu'ils vont s'élancer à la rencontre du monde. Les bras se tendent, les épées restent droites, pivotent soudain et retombent au fourreau. La main extérieure sur la poitrine les douze invitent de l'autre le monde à les rejoindre.
La scène change une nouvelle fois.
Les douze marchent désormais vers le monde, les armes et les armures sont plus légères mais toujours présentes, mais c'est avec ouverture qu'ils avancent. ***