Alors que la dernière bataille d’Ithoria approchée, la lignée d’Ylnalaën était à son apogée. Jamais depuis son anoblissement n’avait elle été aussi puissante et influente. Elle s’était considérablement enrichie depuis l’avènement des Dalriel sur le trône et possédait plusieurs terres aux alentours de Kival, certaines étant particulièrement reconnu pour leurs vignes d’excellente qualité. Dans le manoir familial de la Sainte Cité, des dizaines de domestiques s’activaient à toutes heures du jour et de la nuit, pour satisfaire les membres de la lignée. C’était des jours heureux qui s’arrêtèrent brusquement avec le début des combats qui menèrent à la fin du Royaume d’Ithoria.
Au début, seuls ceux qui étaient soldats partirent au front avec leurs troupes. Quatre d’Ylnalaën participaient aux premiers instants de ce grand moment d’Histoire : Brilac, paladin, et son fils aîné Yrreraent, grand chevalier, Lothiann, l’un des rares archers que le sang d’Ylnalaën donna au royaume et son frère cadet Kairew, responsable d’un corps d’infirmerie (Lothiann et Kairew sont les frères de Brilac et les oncles d’Yrreraent).
Au cours des premiers affrontements Brilac fut mortellement blessé par un carreau d’arbalète. Le projectile était empoisonné et il périt après plusieurs semaines de souffrance et d’agonie. Les trois autres s’en sortirent bien mieux et survécurent jusqu’à la prise de Blancastel. Ils se retrouvèrent à Montargent, avant que le siège de la croisée des chemins ne débute.
Le temps de la mobilisation générale était venu et de toutes les bourgades du saint royaume, tous les fidèles capables de combattre pour les Saintes Terres étaient enjoints de prendre les armes et de se rendre au combat. Nul ne pouvait ignorer un ordre donné par l’Avatar Wulf Valbise lui-même. Toutes les demeures aussi modestes soient elles, tous les champs, toutes les églises, toutes les chapelles furent vidées de leur force vive. Les familles les plus riches financèrent de leurs deniers propres l’équipement des troupes du royaume. La lignée d’Ylnalaën ne fut pas épargnée. Seules les femmes, qui n’avaient jamais appris autre chose que les arts domestiques, restèrent à Kival. De la fortune amassée au cours des âges, il ne restait plus que quelques miettes.
Les combats reprirent de plus belle, et la croisée fut sauvée au prix de grands sacrifices. La plupart des troupes conventionnelles étaient en piteux état et parmi les hommes du peuple ce fut un carnage mais au moins, la vague impériale fut stoppée pendant quelques temps. Seuls Yrreraent, deux de ces cousins germains et son oncle Kairew étaient encore en vie. Les autres membres de la famille périrent plus ou moins glorieusement… mais cela n’importait plus car nul ne s’intéressait à cet instant à la gloire ou au prestige d’un individu. Uniquement le dévouement, l’abnégation et le sacrifice suffisait.
Comme la plupart des soldats étaient à la bataille, les terres les plus éloignées des quatre grandes cités étaient devenues de moins en moins sûres. Les rares personnes qui s’acharnaient encore à travailler dans les champs, étaient constamment harcelées par des hordes de kobolds et de gnolls. Des dizaines d’hectares de terres arables et fertiles furent saccagées –dont une majorité de celle détenue par les descendants de l’Érudite-, réduisant à néant les cultures qui y survivaient tant bien que mal. L’hiver s’annonçait rude si d’aventure le Royaume d’Ithoria survivait aux affres de la guerre.
Au front, la bataille s’était muée en de petites escarmouches. Les deux armées avaient besoins de temps pour se réorganiser à nouveau et repartir de plus belle dans une symphonie de mort et de souffrance. A la tête de l’armée ithorienne, le Commandeur avait été évincé et remplacé par un membre de l’une des plus puissantes familles du royaume, la famille de Sigyll. Les choses changèrent rapidement sous son impulsion, et pour soulager Montargent, l’armée Ithorienne réussit à mobiliser les troupes impériales sur deux nouveaux fronts, plus difficiles à prendre. Cela ne fut pas sans perte. A cet instant, il ne restait plus qu’Yrreraent de vivant parmi les d’Ylnalaën. Il était devenu par la force des choses, le chef de la lignée au même moment qu’il accédait rapidement aux plus hauts honneurs militaires.
Alors que l’Oracle appela finalement les Enfants du Très Juste à quitter une Ithoria condamnée, de l’opulente famille d’Ylnalaën, il ne restait plus que des vestiges. Yrreraent et son fils (qui avaient été éloignés des combats car il était encore trop jeune selon le jugement de sa mère) étaient les derniers mâles du sang de l’Érudite. Quelques femmes avaient survécue, dont celle du nouveau patriarche de la famille. Ils n’avaient plus qu’une infime partie de leurs richesses et de leurs possessions… et celles-ci ne se trouvaient pas sur les terres d’Exil !! Ils étaient maintenant aussi dénués que les badauds qu’ils dénigraient quelques semaines auparavant. Néanmoins, les survivants avaient conservés une chose de leur lustre passé (et ils allaient tout faire pour le récupérer), leur arrogance infinie envers les petites gens.