Les semaines passèrent. Les temps étaient difficiles. Une organisation commençait tout juste à poindre. Tout manquait. On organisait des chasses avec les rares hommes connaissant l’usage des armes… et encore, normalement, c’est à l’Homme qu’ils s’étaient mesurés, non pas à l’animal.
On improvisa rapidement des maisons de bois rudimentaires qui permettraient de survivre tout l’hiver. On cueillit les légumes tardifs poussant encore en calinor. On fit tout pour permettre au peuple de survivre.
Loin du luxe qui avait été leur vie, l’adaptation était encore plus difficile. Mais Mariane ne rechigna point. Bien qu’elle n’eût le talent de l’artisan, il était quelques tâches qu’elle était à même d’accomplir. Les quelques Keldariens qui, par leur charisme et leur dynamisme, furent les dirigeants temporaires de la Keldarie savaient mettre à profit tous les talents.
La jeune femme n’avait que peu usage du travail manuel, mais l’existence de noble l’avait habituée à l’art de la broderie. Bien que n’y étant pas particulièrement habile, elle pouvait mettre cela à profit pour coudre quelques vêtements rudimentaires ou couvertures. De plus, un tisserand lui appris rapidement les bases permettant le tissage de fibres végétales trouvées par d’autres dans les forêts environnantes. Elle mit donc ces nouvelles connaissances au service du peuple qui avait grandement besoin de tout.
Sa mère même se joignit à sa tâche. Elle d’habitude si blême et si faible semblait reprendre vigueur à ce simple travail. Les mois effacèrent virtuellement toute trace de cette maladie qui l’avait affligée si longtemps. Était-ce l’œuvre de Keldar? Peut-être… ou pas…
L’hiver sembla long… si long… Pour eux et probablement pour beaucoup d’autres. Il sembla une éternité interminable qui n’aurait de cesse qu’au jour de leur mort. Mais le printemps fit son apparition en même temps que la neige disparut en redonnant un souffle d’espoir au peuple keldarien. Dès qu’il le put, Laurian d’Eregon commanda la construction de leur domaine. Tous mirent la main à la pâte, car le travail était colossal. Le site fût choisi en Dalriel même, capitale, lieu de pouvoir et d’influence par excellence.
La construction mit plusieurs mois. Elle s’effectua en plusieurs phases, car tous avaient besoin d’un toit et il était hors de question pour les autorités qu’un immense domaine soit construit en laissant d’autres attendre dans les rues. D’abord, il y eût donc une esquisse de maison. Chambres, cuisine, salle à manger. On laissa la place à l’élaboration future d’un petit jardin à l’avant ainsi que d’une allée dallée et d’une arche de pierres. On laissa de l’espace sur les côtés pour les quartiers des domestiques, connexe à la cuisine actuelle. Et à l’arrière, un immense espace fût laissé vierge en attendant un magnifique jardin aux goûts de Blanche.
Puis lentement, la bibliothèque et la salle d’étude, le bureau et le boudoir… toutes les pièces secondaires furent aménagées et construite là où l’espace avait d’abord été laissé vacant ou très sommairement aménagé. Au fil des mois, on prit le temps de garnir les pièces des plus beaux meubles. Au fil des cycles, le jardin gagna de la diversité et de la splendeur. Le domaine des d’Eregon devint un endroit luxueux et magnifique.
Ayant tous participés à l’élaboration de ce manoir colossal, ils furent d’autant plus satisfaits et fiers de voir le tout aboutir. Et cela fait, tous retournèrent à leurs anciennes occupations, celles de l’ancienne Ithoria. Ainsi Laurian d’Eregon se réengagea dans Sa Sainte Inquisition, car telle était sa voie. Et Blanche recommença à pratiquer son art qu’elle avait délaissé depuis si longtemps avec une grande joie et une passion qu’elle n’avait plus connu. Ce renouveau semblait même la rajeunir et son talent recommença à être apprécié dans la société.
La vie reprenait son cours…