Le Taureau Divin, et les divinités de la Nature et de la Civilisation
Légende : Rapportée par Hame Lyn
Cette histoire a été révélée le soir dédié au Sage, et fait écho à une divinité évoqué dans le conte des 4 saisons.
Les Dieux tiennent toujours parole: et ainsi qu'ils l'avaient promis à Liwes, divinité de la saison du Crépuscule qui avait conçu un enfant avec une génisse, celui qui naquit avait pour destin de devenir une nouvelle divinité, celle de l'élevage.
Sa naissance fut un évènement, car le taurillon possédait une couleur inhabituelle qui suscita l'admiration de la part des autres éleveurs. Il fut nommé Osthéon, et il possédait une robe anthracite avec des reflets bleutés, tachée de beige et son pelage souple et brillant était d'une remarquable douceur. Son éleveur, qui avait le don particulier et reconnu de pouvoir parler aux animaux, reçut de nombreux soutiens et le taurillon bénéficia d'attentions particulières par rapport à ses congénères.
Le taurillon devint un taureau d'une taille remarque avec des cornes anthracites elles-mêmes tachées de beige. Les éleveurs considèrent l'animal béni des Dieux ; et béni, il l'était certainement.
Quand Aldménir et Dallia vinrent le voir pour faire de lui la divinité de l'Elevage, le taureau à l'allure magnifique présenta une requête aux deux Dieux : il voulait être plus que la divinité des Eleveurs, mais aussi celle de la Nature et de la Civilisation.
- Je suis aujourd'hui un animal domestiqué, symbole de l’Équilibre entre la Nature et la Civilisation. Je saurais être digne de cette tâche.
Le Dieu des Mystères, qui était arrivé sous son apparence du Sage regarda longuement le Bel Animal aux yeux dorés afin de se tourner vers sa soeur Dallia.
- Qu'il en soit ainsi. Je t'invite à faire tes preuves que tu pourras soutenir cette tâche. A très bientôt, Osthéon.
Les deux Dieux disparurent alors, laissant Osthéon perplexe face à la demande du Dieu des Mystères.
L'animal comprit qu'il devait démontrer aux Dieux qu'il pouvait assumer cette tâche. La première étape étant sans doute de démontrer qu'il était capable, plus qu'un élevé, d'être un éleveur. Le lendemain, à l'aube, il tâcha donc de se substituer à son éleveur.
Plutôt donc que de le laisser porter jusqu'à l'enclos la pitance quotidienne - du foin, en cette saison de la nuit - l'animal insista pour sortir de son enclos pour le porter lui même à ces congénères.
Naturellement, la tâche s'avéra être extrêmement difficile pour un bovidé, qui malgré de beaux attributs, ne possédait pas de mains et était incapable de porter une fourche afin de saisir le foin et de le déposer dans les mangeoires : il dut accepter l'aide de l'éleveur, de bonne composition, pour faire l'opération.
Déçu, Osthéon réfléchit qu'il ne prenait peut-être pas le problème par le bon bout, et décida de s'appliquer dans le rôle qu'il s'était donné d'une autre manière.
Alors que l'éleveur voulut les manœuvrer afin de les faire sortir pour profiter des courtes heures de Soliôr, l'animal sollicita de nouveau son éleveur dévoué pour effectuer cette tâche. Cette fois-ci, Osthéon était confiant. Il était le chef du troupeau, il n'y avait aucune raison qu'il échoue, de l'autre côté de l'enclos. Il s'avéra cependant que cela changeait la donne, car les animaux refusèrent de sortir malgré les multiples sollicitations de l'animal, préférant rester dans la chaleur de l'enclos.
Osthéon ne put qu'accepter qu'il était du mauvais côté. Car une fois revenu à sa place précédente, et avec les sollicitations de l'éleveur, le troupeau se retrouva rapidement sur le champ de pâturage humidifié par la neige.
Ce nouveau revers plongea Osthéon dans une certaine frustration, mais il n'était pas encore prêt à accepter de renoncer à son désir, et c'est sans doute ce Feu qui le poussa, ce jour-là, à sauter par dessus l’enclos délimitant les pâturages et à disparaitre, en direction de la forêt avoisinante. Le jeune taureau pensait trouver, dans la Nature, la connaissance de celle-ci et la solution qui lui permettrait de s'affranchir de sa nature de domestiqué.
Faisant confiance à sa force et à sa vigueur, il ne voyait rien qui pouvait l'entraver dans cette nouvelle approche pour obtenir ce qu'il souhaitait. Et si, à travers les forêts et les plaines sauvages, il supporta le froid et sut repousser l'attaque des prédateurs qui croisèrent son chemin, il fut défait par sa faim qu'il n'arrivait pas à combler. Lentement, inexorablement, ce ne fut plus des réponses à ses questions qu'ils cherchaient mais de la nourriture ; lentement, inexorablement, son désir de faire ses preuves se mua en rêve de revenir dans l'étable, au chaud, auprès de ses congénères, et de recevoir le foin de son éleveur.
Se repliant sur lui-même, le taureau, qui avait perdu de sa superbe, resta immobile au milieu de la forêt.
On raconte que pendant de nombreux jours, il gémit, sans bouger, attirant l'attention des bêtes sauvages ou au contraire les faisant fuir. Ce n'est qu'à l'aube du cinquième jour qu'Aldménir, sous son apparence d'éphèbe, maitre de la forêt, apparut auprès du fils de Liwes.
- Il n'est guère facile d'embrasser la Nature, la Civilisation, et l'Equilibre entre les deux. Certaines leçons ne s'apprennent pas avec mots mais avec l'expérience. Celle-ci te sera cependant utile dans la tâche qui est la sienne.
- Je ne peux plus remplir cette tâche...ni celle que je t'ai demandé, ni celle que tu m'as donnée.
Patiemment, Aldménir répondit à la divinité.
- Les Cinq ont fait une promesse à ton père, Liwes, que tu serais une divinité. Chacun d'eux t'ont donné les moyens pour remplir cette tâche.
Si les mots du Dieu furent entendues par la divinité, ils furent vains. Dans la clairière qu'avait choisi Osthéon, ils furent rejoints par un serpent aux écailles noires aux reflets verts.
Aldménir sourit à ce signe.
- Soit, il semble que ta prière a été entendue.
Le Gardien apparut alors, aux côtés de l'Oublié.
- Nous pourrions d'une certaine façon accéder à ta requête, tout en ne revenant pas sur la promesse que nous avons faites à Liwes. Cela implique cependant que tu changes: que tu disparaisses tel que tu es aujourd'hui pour renaître et devenir ce à quoi tu aspires.
Le taureau leva les yeux vers le Dieu sans Visage, dont seul le sourire était la seule partie visible non caché par sa capuche sombre. D'un hochement de tête, il accepta la proposition des Cinq.
Le serpent se rapprocha alors de l'animal, le mordit à la gorge et mourut. Azolth prit soin de l'âme de Osthéon et les Dieux récupèrent les parcelles d'immortalité de la divinité. La neige tomba dru de nombreux jours sur la clairière où le corps d'Osthéon reposait, et c'est dans sa carcasse qu'après cinq longs jours, deux divinités à la forme humaine naquirent : la première avait les cheveux blonds foncés et la peau claire, et possédait sur la tempe gauche une corne. Elle devint Briagos, la divinité de la Nature.
La deuxième avait les cheveux châtains et la peau sombre, et possédait sur la tempe droite une corne similaire. Elle devint Thaodric, la divinité de la Civilisation.
La disparition d'Osthéon ne passa pas inaperçue auprès de son éleveur, qui pleura longtemps avoir perdu la garde de la divinité de l’Élevage, de concert avec les autres éleveurs.
Les restes de la divinité furent retrouvés, et la clairière où était mort le taureau devint un lieu de pèlerinage, avant, une fois de nombreux cycles passés, qu'ils ne soient oubliés. Les éleveurs prient depuis Dallia et quelquefois Adménir pour que leurs troupeaux soient en bonne santé.
On raconte que le lieu ne disparut pas vraiment mais qu'à l'image d'Osthéon et de son destin, il se métamorphosa en un lieu de culte, oublié aujourd'hui.