Un combat terrible avait eu lieu dans le Désert de la Séparation. Dans ce lieu désolé au climat rude, loin de toute civilisation, vivait comme perdue au milieu de nulle part une cité incarnant les espoirs des apatrides : Yesod. Une ville singulière dans le sens où elle rassemblait toutes les cultures des Domaines d’Ideo. Abritant les parias ou les simples voyageurs, les idéalistes et les désespérés, les réfugiés ou les hors-la-loi, c’était une ville des plus hétéroclites.
Un jour, le Seigneur des Nécromants, Fléau de toutes les espèces vivantes et connu sous le nom de Het Masteen, décida de s’attaquer à cette ville afin d’en prendre possession et d’établir un nouveau Marais Maudit, dans les terres du Sud où l’influence des sombres artisans de la Non-Vie était bien plus faible qu’au Nord, où la proximité du lieu le plus dangereux des Domaines leur offrait un refuge certain.
L’attaque fut lancée à partir du Portail de la Solitude. Lieu de téléportation, et surtout source d’un pouvoir ancestral qui avait déjà par le passé eu un lien très étroit avec la nécromancie. Pourquoi, cela est tombé dans l’oubli…
Het Masteen, aidé de plusieurs de ses serviteurs, invoqua rapidement une armée Mort-Vivante à partir des nombreux ossements qui gisaient dans les sables chauds des environs de Yesod, n’attendant qu’un signe pour se relever et marcher à nouveau. Il fit également venir des Seigneurs de la Mort, les pires créations des Marais, à l’aide du Portail de Téléportation. Les Yesodites découvrirent assez vite l’odieuse attaque en préparation, et les Vivants s’organisèrent du mieux qu’ils purent. De l’aide arriva de tout Ideo aussi vite qu’il leur était possible. Des puissants mages arténiens capables de déchainer les éléments, des guerriers elfes à l’adresse et à la discipline légendaires, des gnutags orcs dont la réputation au combat n’était plus à fare, des légionnaires kohriens, surentraînés et suréquipés par une nation qui avait fait de la guerre un commerce très rentable. Même des paladins keldariens, ayant tout juste fait leur réapparition sur ces terres, se joignirent au combat et par la magie du Dieu de la Justice apportèrent un atout qui d’après certaines légendes aurait déjà défait les Nécromants. L’ensemble des Domaines d’Ideo s’était dressé contre le Fléau Mort-Vivant, qui ne cessait d’étendre son emprise sur la région. La fange putride des Marais remplaça peu à peu le sable et le peu de végétations qui subsistait dans ce milieu hostile. Le lac, source de la vie de Yesod l’Oasis comme disaient certains, fut infesté par la maladie. En effet, les Nécromants dans leur vilenie avaient eu l’idée, ingénieuse il est vrai, de cacher leurs troupes sous les eaux en vue de préparer leur assaut. Cela eu deux effets. Le premier première recherché, de leur permettre d’amasser leurs serviteurs non loin de la ville sans que cela ne se voit. Ils pourraient ainsi, plus tard, déployer les créatures à l’arrière des lignes adverses concentrées autour du Portail. L’effet secondaire, fut celui qu’ont toujours eu les cadavres sur les eaux peu remuantes : elle devint malsaine. Les poissons moururent, premier signe de la maladie qui se répandait dans le liquide de la Vie. Ensuite les Yesodites tombèrent malades, et certains moururent tout comme les animaux qui s’abreuvaient abondamment.
Les Marais ne cessaient d’étendre leur emprise, et le combat de s’intensifier entre les Armées des Vivants, et la Horde de la Non-Vie. Il y avait des héros dans les deux camps, qui redoublaient d’ingéniosité pour contrer les tentatives de chacun et prendre l’avantage. Hélas pour eux les Vivants étaient destinés à perdre, tant qu’ils ne parviendraient pas à atteindre le Portail et à stopper le rituel abominable qui s’y déroulait.
Les Armées des Domaines s’étaient alliées, mais c’est par la plus surprenante des armes que le combat tourna à l’avantage de la Vie : la Nature elle-même rejoignit leurs rangs. Des animaux aussi divers que rares pour ces régions arrivèrent par dizaines voire centaines. L’on peut citer entre autres des loups, dont l’instinct de chasse n’avait d’égal que l’intelligence de groupe. Des chauves-souris, nombreuses et aucunement gênées par l’obscurité, pouvant dès lors guider leurs alliés. Des berserks, créatures imposantes et puissantes, féroces et sauvages au possible, qui avaient eu comme atout dans la grande et impitoyable histoire de l’évolution leur endurance et leur force physique. Plus singulier encore, une vache tatouée ithorienne qui semblait avoir une influence irréfutable sur son environnement voire même certains animaux. Tous ces animaux et tellement d’autres encore s’étaient alliés, mettant temporairement de côté leurs instincts, derrière un Homme. Un Druide, pour être plus exact. Guidé par une puissance ressurgie du passé, le Druide appela la Nature à se lever contre ce qui cherchait à l’asservir.
Les rangs ainsi grossis des Vivants commencèrent, après de longues semaines de combats acharnés et de lourdes pertes des deux côtés, à faire reculer la Non-Vie. Sentant ses forces à leur maximum et la défaite approcher, Het Masteen et ses sbires déployèrent toutes leurs forces dans une ultime invocation qui causa la perte de toute la région. L’environnement tout entier devint instable, des éclairs jaillirent de toutes parts et le sol se fractura tout autour de la Source du Mal. Une violente explosion ravagea toute la région et emporta absolument tout avec elle.
Tout, y compris les Nécromants. Avaient-ils pu s’échapper par le Portail avant ? Cela, nous laissons aux rumeurs le soin de vous le raconter.
Yesod la maudite
Les plus audacieux voyageurs ne tardèrent pas à essayer de constater l’état des dégâts après cette explosion légendaire qui venait de frapper la région dans un fracas apocalyptique. Peu en revinrent pour conter ce qu’ils y avaient vu. Parmi les récits que l’on entendait dans les tavernes des villes les plus proches, peu étaient véridiques.
Ce qui revenait le plus souvent, était la description d’un terrain désolé à perte de vue, avec des cendres blanches comme tout le reste qui continuaient à retomber au sol. Aucun son ne s’échappait du lieu bien que l’on pouvait sentir sur son visage un vent assez violent comme il y en avait couramment dans les déserts.
L’impression de vide dominait plus que toutes les autres. Aucun relief, aucun bruit, aucune couleur, et aucune vie. Un sentiment de malaise omniprésent. Tous s’accordaient sur une chose : il n’y avait plus rien à faire là-bas, Yesod était définitivement détruite.
Yesod est à nouveau accessible ! Les récits de voyageurs se multiplient dans les tavernes, et bien qu’il soit dur de différencier le vrai du faux, on dirait bien que certains ont déjà pu voir ce qui se trouve maintenant à l’emplacement du terrible combat qui s’y est déroulé.
Ils décrivent une terre sans vie et sans espoirs, sans rien tout court à vrai dire. Elle serait aussi remplie de fantômes effrayants dont certains n’auraient même pas forme humaine ! Pour ceux qui s’y étaient aventurés à plusieurs, il n’est pas rare qu’ils en soient revenus bien moins nombreux, les autres ayant tout simplement … Disparu.